L’asile, encore et toujours

 

Chers amis,
 

J’ai choisi de vous parler de deux événements qui illustrent deux aspects : la gravité de la situation en matière d’asile et notre faiblesse à cet égard.

Vous avez bien sûr entendu parler de la prise d’otages dans le train Yverdon–Ste-Croix le 8 février dernier, soirée d’horreur durant laquelle 13 personnes ont été soumises à un régime de terreur durant plus de quatre heures, avant que le preneur d’otage soit abattu par le Détachement d’action rapide et de dissuasion de la gendarmerie cantonale (DARD). L’auteur du crime était un requérant d’asile iranien d’origine kurde, arrivé en Suisse après avoir déposé une demande d’asile en Grèce.

Certes, la presse a relaté les faits matériels avec précision. Il n’y a pas eu de mensonge au sens positif du terme.

Pour autant, la présentation générale du cas a été faite de manière à détourner l’attention du public de la problématique générale de l’asile pour se focaliser sur des prétendus problèmes psychiatriques de l’auteur du crime. Nous aurions pu espérer que l’on insiste sur le disfonctionnement majeur que représente la seule présence de cet individu dans notre pays, sur le territoire duquel il n’aurait jamais dû séjourner. En effet, il s’agissait d’un cas relevant de l’Accord de Dublin, accepté en votation populaire. Le principe du pays de premier asile devait donc prévaloir, dès lors que le requérant n’avait pas de famille en Suisse. L’individu aurait ainsi dû être placé en détention administrative dès son arrivée pour être renvoyé en Grèce. L’origine du crime – et des indicibles traumatismes psychiques infligés aux victimes – ne réside donc pas dans des circonstances personnelles qui seraient propres à l’individu concerné, mais dans notre impéritie dans la gestion des « cas Dublin », comme on les appelle. La pression exercée par les milieux soutenant les requérants est du reste telle que des responsables de la gestion de l’asile ne peuvent parler à la presse que sous le couvert de l’anonymat, comme cela ressort notamment de l’article publié dans l’Illustré du 21 février 2024 (n° 8). Ce même hebdomadaire a poussé la complaisance jusqu’à envoyer un journaliste en Iran pour interroger des proches de l’auteur du crime qui, ô surprise, ont tous dit qu’il s’agissait d’un bon type, comme cela ressort d’une édition ultérieure. L’épilogue : une plainte pénale déposée à raison de la mort de cet individu. Oui, venu chez nous en août 2022, il a abusé de notre hospitalité en vivant à nos frais durant un an et demi, avant de menacer de tuer 13 innocents. Pour autant, ce sont ceux qui l’ont mis hors d’état de nuire qui seraient coupables. Une fois encore, la manière dont la grande presse a traité l’information vise à empêcher le public de saisir les tenants et aboutissants politiques de l’affaire dans une perspective globale, pour mettre l’accent sur un aspect anecdotique , à savoir le prétendu caractère individuel et spécifique du cas. Le drame a ainsi été présenté comme un dysfonctionnement isolé et indépendant de toute contingence politique, dans un système qui, bien entendu, ne saurait être remis en cause de manière globale. Car une telle remise en cause heurterait bien des intérêts, pas vrai ? A commencer par ceux, convergents, des milieux de l’asile et des employeurs. Notre journal, lui, tient délibérément un autre discours, ce depuis les origines de la crise de l’asile au début des années 1980, pour insister sur le caractère tout simplement existentiel de la menace. Nous devons donc sans arrêt décoder et lire entre les lignes les informations données par la grande presse. L’exercice est d’autant plus difficile lorsqu’il n’y a pas d’erreurs factuelles.

Quelques mois avant la prise d’otage du 8 février 2024 est survenu aux Chambres fédérales un événement tout à fait particulier, que je considère comme d’une extrême gravité. Ici encore, la presse l’a évidemment décrit de manière factuellement exacte, mais sans jamais mettre en exergue sa portée. Je veux parler de l’affaire de la construction des prétendus « villages de conteneurs » (sic) pour des requérants.

Dans le supplément au budget 2023, le Conseil fédéral a requis des Chambres pas moins de 132,9 millions de francs afin de construire des résidences, prétendument temporaires car limités à 140 jours, pour créer 3000 places d’hébergement supplémentaires en faveur de requérants d’asile sur des terrains de l'armée, à Bière (VD), Tourtemagne (VS), Bure (JU) et Thoune (BE) ; d'autres emplacements devaient être étudiés, notamment en Suisse alémanique.

Après un premier refus du Conseil des Etats, le National a approuvé ce crédit le 1er juin 2023 par 99 voix contre 83. Un détail : le même jour, il a refusé d’allouer 31,2 millions de francs pour la hausse de la compensation du renchérissement en faveur du personnel fédéral. Le 6 juin 2023, votant contre sa commission, le Conseil des Etats a encore rejeté, par 23 voix contre 19 et deux abstentions, le crédit sollicité par le Conseil fédéral. Il était cette fois prévu que le montant soit divisé par deux, donc ramené à 66,45 millions de francs, en étant conditionné à une réévaluation des capacités d'accueil d'ici l'automne 2023. Mais rien n'y a fait. L'UDC, une partie du Centre et du PLR ont voté contre. Le dossier est reparti au Conseil national. Le 8 juin 2023, le National a voté par 103 voix contre 76 et 11 abstentions pour ce crédit réduit.

Le 13 juin 2023, le Conseil des Etats a refusé pour la troisième fois tout crédit pour la création de ces places supplémentaires, donc y compris le montant de 66,45 millions de francs. La décision est tombée par 25 voix contre 18.

Le 14 juin 2023, le dossier est reparti au National pour un dernier tour, avec le même résultat final, soit l’acceptation du crédit, cette fois par 95 voix contre 93 (avec deux abstentions). Le jeudi 15 juin 2023, le Parlement a enfin enterré le crédit pour les conteneurs pour requérants, vu le refus constant opposé par la Chambre des cantons, même sur le crédit réduit de moitié. La proposition de la conférence de conciliation de verser 66,45 millions pour les conteneurs a été ainsi été rejetée, par 23 voix contre 19.

Mme Keller-Sutter a la réputation d’une gestionnaire particulièrement rigoureuse. Mais pas en matière d’asile. Sur cet objet, elle était main dans la main avec Mme Baume-Schneider, à telle enseigne, qui l’eût cru, que l’asile n’a pas été au cœur des débats de la campagne des élections nationales 2023. Ce dans une période de particulières restrictions budgétaires, au détriment notamment des Ecoles polytechniques et de l’agriculture, excusez du peu. Ainsi, par communiqué du 19 octobre 2022, le Conseil fédéral avait fait savoir qu’il entendait « attirer l'attention du Parlement, avant le début de l'examen du budget 2023, sur l'évolution inquiétante de la situation budgétaire », ajoutant que « la prudence et la discipline budgétaires seront, jusqu'à nouvel ordre, requises à tous les niveaux si l'on entend rétablir l'équilibre des finances fédérales et rendre celles-ci résistantes aux crises » (voir Schweizer Demokrat 9/10 2022). Bref, le frein aux dépenses est oublié quand il s’agit de l’asile. Si nous avions un régime majorité-opposition au lieu de la concordance, ce crédit relevant du pur clientélisme politique aurait sans autre été adopté par des parlementaires majoritaires « au garde-à-vous » face au gouvernement. Il est très inquiétant que le Conseil national ait soutenu un projet aussi démesuré. Oui, plus de 130 millions pour héberger 3000 personnes durant 140 jours, même si les conteneurs, une fois démontés, auraient pu être réutilisés après un stockage évidemment onéreux. Ce alors qu’il y a des milliers de places disponibles dans les abris PC. Visiblement, il n’y a guère eu de contrôle des coûts, tout comme la division machinale et schématique par deux du montant initial relevait de la simple propagande et du mépris envers les contribuables. Une rigueur de bon aloi a cependant permis de limiter le déficit et donc l’endettement de la Confédération. Nous sommes passés près de la catastrophe.

132,9 millions, c’est la valeur d’un village de villas appelées à durer des décennies, et non de conteneurs provisoires, ou prétendus tels. Une telle somme permettrait théoriquement de donner du travail à environ 2000 personnes pour une année. Autre élément de comparaison : la future patinoire genevoise de Lancy, d’une capacité de 8500 spectateurs avec un parking souterrain de 1200 places et également promise à durer des décennies, est devisée à 138 millions, donc guère plus que les 132,9 millions dont nous parlons. Que dire de plus, si ce n’est que si les partisans des « villages de conteneurs » géraient leurs propres affaires avec autant de désinvolture, ils tomberaient en faillite ?

Comme nous l’avons dit dans un article publié à l’automne 2022 (Schweizer Demokrat 9/10 2022), les nécessaires mesures d’économie doivent concerner avant tout les étrangers ; une protection efficace de la frontière (notamment en Suisse orientale et au Tessin et y compris par l’armée) serait le meilleur investissement préventif à cet égard, tant il est vrai que prévenir vaut mieux que guérir. Ensuite, pour réparer les dégâts autant que faire se peut, il s’agira en particulier d’intensifier les rapatriements et d’interdire de travailler (sauf pour des travaux d’intérêt public) aux requérants d’asile et aux personnes admises provisoirement. Il faudra au moins rétablir la retenue forfaitaire sur leurs salaires pour couvrir les frais de retour.

Affaire à suivre, hélas.

Allocution à l’assemblée générale des Démocrates Suisses – Vaud du 14 avril 2024, à Lausanne
 

DS-Vaud

 

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